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La juste distance en soins palliatifs pédiatriques

Qu’est-ce que cette juste distance ?

Le terme juste indiquerait qu’il y ait un contraire : injuste, ou que cette distance serait tellement infime que de se situer d’un côté ou de l’autre ce ne serait pas adapté.

Distance inclut d’emblée une séparation, un éloignement, un chemin à parcourir entre deux.


Alors qu’est-ce que cette juste distance et pourquoi ce terme est employé ?


On appelle « juste distance » la distance émotionnelle et physique nécessaire à un soignant pour prendre la personne en soin sans être dépassé par ses propres émotions, réactions, ressentis.
Ainsi ce terme de juste distance, par ce qu’il évoque, permet bien de toucher du doigt la fragilité, la difficulté de trouver cet équilibre, et l’impossibilité de rester de façon permanente à cette place.
Juste incarne la précision, et distance le côté dynamique de cette recherche de position.
Le soignant qui se retrouve en charge d’un patient doit sans cesse chercher cette place mais ne l’atteint jamais vraiment. C’est un mécanisme et un aller-retour incessant qui renvoie le soignant à ses propres vécus et émotions et peux en faire un être distant ou « insensible » ou au contraire trop impliqué dans le soin du patient pour rester à sa place d’aidant. Dans les deux cas il perd la notion de « juste » distance.


Le numéro d’équilibriste se complique lorsque l’on parle de soins palliatifs et peut se voir décupler lorsqu’il s’agit de soins palliatifs pédiatriques.
La prise en charge palliative par sa charge émotionnelle, son intensité et sa finalité demande un réel investissement aux équipes soignantes. Lorsqu’il s’agit d’un enfant cette mobilisation est encore accentuée puisque l’équipe doit être présente pour les parents qui vivent des moments insupportables quand ils font face à la maladie de leur enfant.


D’un point de vue psychique l’enfant n’est pas un adulte en miniature. Il est en cours de développement et n’a pas le même accès aux concepts irrationnels qu’un adulte. L’enfant est en outre, dans certain cas, incapable de donner son avis ou prendre de décision concernant ses dernières volontés. Selon son âge il n’a parfois pas accès à la notion d’irréversibilité.


Pour finir la situation palliative en pédiatrie confronte les soignants à l’insupportable de la notion de mort infantile.
Le soignant, qui accompagne des familles, doit réfléchir sa place et sa « juste distance » vis-à-vis de l’enfant qu’il soigne, de la mère, du père de l’enfant et celle de la fratrie. Il sera un temps le soutien principal de cette famille.
Pour tenir cette place impossible, il est important que le soignant puisse identifier ses propres émotions, identifier celles de l’enfant soigné et celles de la famille et savoir les dissocier.


A partir de là, chaque soignant, avec ce qu’il est, ce qu’il ressent, ce qu’il vit choisi de se positionner pour trouver cette juste distance.
Cette place de manière idéale se trouve à l’endroit où le soignant parviendra à aider la famille et le malade, tout en étant assez touché par la situation, sans que cela déborde ses propres limites et qu’il puisse rester dans le soin. Cette juste distance permet alors au soignant d’accompagner le cheminement psychique du patient et de la famille. On parle d’alliance avec la famille.
Ainsi, il n’y a pas de recette parfaites. Cette juste distance est individuelle, personnelle, intime. Elle met en jeu les propres limites internes émotionnelles et psychiques de chaque soignant.


Il est difficile pour un soignant de ne pas trouver cette juste distance, c’est souvent vécu comme un échec dans une prise en charge. Cette épreuve peut engendrer de la souffrance chez le soignant, ou du refus de revivre des situations similaires et donc l’arrêt total de l’accompagnement des patients en situation palliative.


La prise en charge d’un enfant dans un contexte palliatif est une activité à haut risque émotionnel. Elle met en jeu divers transferts et plusieurs mécanismes inconscients. Les professionnels, s’ils sont seuls face à ces situations, peuvent vite être mis en difficultés.
D’où l’importance du travail en équipe. Le soignant doit pouvoir échanger, être soutenu, se sentir compris, connaître ses limites pour pouvoir passer le relais.

 

Prenons le temps d’essayer de donner quelques clefs afin que chacun puisse développer, à chaque rencontre, avec un nouveau patient et une nouvelle situation SA juste distance.
– Instaurer un climat de confiance et une relation d’aide avec votre patient et sa famille. Respecter sa dignité, sa pudeur. Prenez le temps d’écouter ce qu’il exprime ou ne veux pas exprimer. Il convient de s’adapter à ce que le patient ou la famille veut bien vous transmettre tant de façon verbale que par leurs gestes et postures. Créer une situation d’alliance avec les parents et l’enfant.

– Prenez le temps d’apprendre à vous connaitre et reconnaitre vos propres réactions et ressentis pour dissocier ceux du patient et poser vos propres limites.

– Faire preuve d’empathie. L’empathie se différencie de la sympathie : je peux entendre et comprendre les problématiques de mon patient et sa famille sans pour autant les ressentir émotionnellement ou dans mon corps. Ne vous mettez pas à la place de.

– Instaurer un cadre professionnel et respecter ses limites. Vous n’êtes pas un ami ni un membre de la famille. Les familles attendent du soutien de votre part, pas une réponse en miroir.

– Si vous sentez que la situation vous dépasse et que vos transferts, émotions ou ressentis débordent, ayez la sagesse de passer la main ou demander de l’aide.
– Adoptez la méthode éthique du 3ième œil : un regard posé sur l’enfant que l’on soigne, un regard sur les parents que l’on accompagne, un regard sur soi-même en tant que professionnel.

Rappelons pour finir, que chaque situation est singulière et que le rôle du soignant est de travailler à chaque fois dans l’intérêt supérieur de l’enfant en créant une alliance avec les parents tout en dissociant l’intérêt de l’enfant de celui des parents. La juste distance est un habit cousu « sur mesure » que le soignant doit revêtir et ajuster au contexte de chaque famille pour « ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie ».